« La
famille est comme la forêt : si tu es dehors, elle est dense ; si tu
es dedans, tu vois que chaque arbre a sa place » proverbe
akan
Titre
du livre :
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No home
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Auteur :
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Yaa
Gyasi
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Editions :
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Le
livre de poche
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Genre :
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Roman
historique
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Date de
sortie :
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Janvier
2018 (poche)
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Pages :
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469
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Thèmes :
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Saga
familiale, histoire, destin brisé, racisme, esclavage, déracinement
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Résumé éditeur :
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Un voyage
époustouflant dans trois siècles d’histoire du peuple africain.
Maama, esclave
Ashanti, s’enfuit de la maison de ses maîtres Fantis durant un incendie,
laissant derrière elle son bébé, Effia. Plus tard, elle épouse un Ashanti, et
donne naissance à une autre fille, Esi. Ainsi commence l’histoire de ces deux
demi-sœurs, Effia et Esi, nées dans deux villages du Ghana à l’époque du
commerce triangulaire au XVIIIe siècle. Effia épouse un Anglais et mène une
existence confortable dans le fort de Cape Coast, sans savoir que Esi, qu’elle
n’a jamais connue, est emprisonnée dans les cachots du fort, vendue avec des
centaines d’autres victimes d’un commerce d’esclaves florissant avant d’être
expédiée en Amérique où ses enfants et petits-enfants seront eux aussi
esclaves. Grâce à un collier transmis de génération en génération, l’histoire
se tisse d’un chapitre à l’autre : un fil suit les descendants d’Effia au Ghana
à travers les siècles, l’autre suit Esi et ses enfants en Amérique.
Mon
avis :
|
No home est
une de mes meilleures lectures de ce mois de janvier 2018. Je ressors de cette
lecture totalement conquise par le talent de Yaa Gyasi. Elle fait très fort
avec ce premier roman qui raconte le destin brisé de cette famille Ghanéenne
que l’on suit au Ghana et en Amérique.
L’auteure
nous livre une fresque historique qui s’étend du 18ème au 20ème
siècle.
L’histoire
débute avec Effia au Ghana sur la côte de l'Or puis on suivra Esi et sa famille
en Amérique dans les plantations de canne à sucre, les champs de coton et les
mines.
C’est
l’histoire de deux lignées familiales aux destins différents, l’une au Ghana, l’autre
en Amérique.
L’auteure
nous montre les différentes problématiques liées aux peuples Fanti et Ashanti,
des tribus ennemies en guerre. Les conflits entre ces deux peuples les ont
menés à vendre leurs prisonniers de guerre aux Anglais installés sur la Côte de
l’Or et c’est ainsi qu’a commencé le commerce des esclaves.
La
narration est déroutante au début car on ne suit jamais le même personnage.
Chaque
chapitre est l'histoire d'un personnage de la même famille à travers l'Histoire.
Le roman est découpé en deux parties. Entre la fin de la première partie et le
début de la seconde on fait un bond de 30 ans en avant.
Au
final toutes les histoires mises bout à bout forment un gigantesque arbre
généalogique à travers 3 siècles de souffrances ; de guerres, d’esclavages,
de racisme.
L’auteure
dépeint des morceaux de vies de tous ces exilés, des sans terre, des no home. Elle
arrive à nous faire ressentir une palette d’émotions à travers les portraits de
ces hommes et femmes « déracinés ». Ils sont animés par une rage de
vivre incroyable et un combat pour la liberté. L’auteure arrive à nous émouvoir
sans en faire trop dans le détail sordide. On sent la souffrance présente dans chacun
des personnages, qu’elle soit extérieure ou intérieure. Sa plume est
bouleversante de justesse, de compassion, et porteuse d’espoir.
Avec
sa narration et ses personnages, l’auteure nous donne une impression de
mouvement vers l’avant. La lecture se fait toute seule, on veut avancer et
découvrir le destin de cette famille déchirée par la cruauté des hommes. Elle tisse
habilement chaque partie de l’histoire et forme un tout passionnant, une
fresque diverse et fascinante.
C’est
aussi un beau roman sur la transmission et la recherche des origines.
À
travers le temps certaines choses restent et se transmettent ; le collier
familial, la peur du feu (provocatrice d’angoisse et de cauchemar).
Yaa
Gyasi connait son sujet et on sent qu’elle s’est documentée. Elle nous offre
des descriptions courtes et magnifiques, colorées, chaudes, tout en sensations.
Elle est dans une recherche d’esthétisme et sa plume m’a complétement
transporté. Elle m’a fait découvrir ces tribus africaines, leurs manières de
vivre et leur croyance. J’ai adoré voir comment les descendants d’Effia ont
vécu dans leur village et fait face aux rumeurs de malédiction dans leur lignée.
Il y a énormément de détails qui nous ouvre
les yeux et qui personnellement m’ont fait connaitre une partie de l’histoire du
Ghana.
L’auteure
m’a passionné avec chacune de ses histoires mais je crois que l’une de mes histoires
préférées est celle de Yaw, ce jeune instituteur au Ghana, défiguré par une cicatrice.
Sa conversation avec ses élèves est pertinente. Il essaye de leur faire comprendre
que l’Histoire est écrite par les gagnants et il ne faut pas oublier ceux à qui
on a pas donné la parole.
En
bref j’ai adoré ce roman, Yaa Gyasi nous offre un récit intelligent, bien
écrit, passionnant sur la recherche de ses origines. Connaitre son passé pour
mieux vivre et préparer l’avenir. Je suis bluffée par son talent. La fin est
tellement belle.
Ce que
j’ai le plus aimé :
► l’intelligence
du récit
► la plume
de l’auteure
► les messages
sur l’Histoire, le temps, la famille
Ce que
j’ai moins aimé :
► je
n’ai rien noté qui m’a déplu
Est-ce
que je vous le conseille ?
Oh oui,
que vous aimiez les romans historiques ou non, je recommande chaleureusement.
C’est
indéniablement une lecture marquante et inoubliable. C’est un petit bijou, une
pépite, incroyablement mature et bien écrit par une auteure de 27 ans.
Citations :
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« Tu veux savoir ce qu’est la faiblesse ? C’est
de traiter quelqu’un comme s’il t’appartenait. La force est de savoir qu’il n’appartient
qu’à lui-même. » p.69
« Tu n’es pas la première fille de ta mère. Il y en a
eu une autre avant toi. Et dans mon village il y a un dicton sur les sœurs séparées.
Elles sont comme une femme et son reflet, condamnées à rester sur les rives
opposées de l’étang. » p.71
« Il ne doit pas y avoir de place pour le regret dans
ta vie. Si au moment de faire quelque chose, tout te parait clair, si tu es certaine,
alors pourquoi regretter plus tard ? » p.234
« C’est le problème de l’histoire. Nous ne pouvons pas
connaitre ce que nous n’avons ni vu, ni entendu, ni expérimenté par nous-même.
Nous sommes obligés de nous en remettre à la parole des autres. » p.357
« Nous croyons celui qui a le pouvoir. C’est à lui qu’incombe
d’écrire l’histoire. Ainsi quand vous étudiez l’histoire vous devez toujours
vous demander : quel est celui dont je ne connais pas l’histoire ? Quelle
voix n’a pas pu s’exprimer ? » p.357
« Yaw n’était pas certain d’avoir foi dans le pardon. […]
Il en avait conclu que c’était un mot que les Blancs avaient apporté avec eux à
leur arrivé en Afrique. Une ruse des chrétiens dont ils parlaient haut et fort
et librement au peuple de la Côte de l’Or […] tout en commettant leurs méfaits. »
p.374
« le mal attire le mal. Il grandit. Il se transforme
et parfois tu ne vois pas que le mal dans le monde a débuté par le mal dans ton
propre foyer. » p.380
« En Amérique, le pire qui pouvait vous arriver était
d’être noir. Pire que mort, vous étiez un mort qui marche. » p.408
En quelques mots :
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Un
roman sublime et passionnant, lu en 2 jours. Chaque personnage est intéressant
et apporte sa pierre à l’édifice dans cette longue épopée historique. Une
construction intelligente, une plume très belle, définitivement une auteure à
suivre.
Ma note : 5/5 |
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