samedi 11 mai 2019

Circé - Madeline Miller



"On peut apprendre à une vipère à vous manger dans la main sans pour autant lui enlever le goût de mordre."

Titre du livre :
Circé
Auteur :
Madeline Miller
Editions :
Rue Fromentin / Pocket
Genre :
Historique/mythologie
Date de sortie :
Mai 2018
Pages :
436
Thèmes :
Sorcellerie, dieux, mortels, mythologie, immortalité, introspection

Résumé éditeur :
Helios, dieu du soleil, a une fille : Circé. Elle ne possède ni les pouvoirs exceptionnels de son père, ni le charme envoûtant de sa mère mais elle se découvre pourtant un don : la sorcellerie, les poisons et la capacité à transformer ses ennemis en créatures monstrueuses. Peu à peu, même les dieux la redoutent.
Son père lui ordonne de s'exiler sur une île déserte sur laquelle elle développe des rites occultes et croisent tous les personnages importants de la mythologie : le minotaure, Icare, Medée et Ulysse....

Mais cette existence de femme indépendante et dangereuse inquiète les dieux et effraie les hommes. Pour sauver ce qu'elle a de plus cher à ses yeux, Circé doit choisir entre ces deux mondes : les dieux dont elle descend, les mortels qu'elle a appris à aimer.

Mon avis :
Je voudrais conseiller ce livre aux amateurs de mythologie grecque, que vous ayez des connaissances poussées ou non. N’ayez pas peur de vous lancer car il vaut vraiment le coup.

Circé est une nymphe, née d'une naïade qui règne sur l'eau douce fille de Océan et de Hélios le dieu soleil. Océan et Hélios sont deux titans. 
Le récit foisonne de personnages mythologiques, on va rencontrer Hélios, Hermès, Athéna, Médée, Ulysse, Jason, Dédale et le minotaure, Zeus, Prométhée.
Au début on nous dit que Circé a peu de pouvoirs, ce qui promet une évolution de personnage intéressant.



Circé est moquée par ses sœurs et sa mère car elle est différente. Lorsqu’elle chante elle subit les moqueries, et sa famille lui dit clairement qu’elle est moche. Elle grandit donc dans un climat très cruel et hostile. On ressent chez elle une sensibilité exceptionnelle en comparaison avec les membres de sa famille.
Les dieux sont décrits comme ils doivent l’être : impitoyables, autocentrés, cruels, méprisants.

Il y a une scène clé au début du roman, lorsque Circé assiste à la punition de Prométhée. Il a aidé un mortel en lui donnant du feu alors il est puni par Zeus. La scène est cruelle et horrible pour nous mais semble normale pour eux. On est parmi le Panthéon des dieux de l'Olympe.
Circé prend Prométhée en pitié et va transgresser l'interdit en lui apportant à boire du nectar. Cette transgression prouve toute l’humanité de Circé. Elle ne comprend pas les règles du monde dans lequel elle vit. Elle veut vivre selon ses propres règles. C’est un passage marquant et auquel Circé repensera souvent.

La narration à la première personne est très judicieuse et permet l’immersion dans la vie de Circé. Les descriptions sont exceptionnelles. Le style littéraire employé est assez soutenu. J’ai été subjuguée et happée par la beauté de la plume.

Elle assiste au mariage de sa sœur dans le palais de Minos à Cnossos en Crète. C'est splendide. Elle se demande ce qu'il va advenir d'elle maintenant que sa sœur est mariée et son frère lui annonce qu'il va partir.
Circé rencontre Glaucos, un pécheur mortel dont elle s'éprend. Un jour elle va trouver Téthys sa grand-mère afin qu'elle remplisse les filets de Glaucos, qui ne pêche plus rien. En échange elle doit promettre de ne pas coucher avec lui.
Circé transforme Glaucos en dieu.
Glaucos ne veut plus de Circé et veut épouser Scylla une belle nymphe. Circé est jalouse et décide de la rendre laide. En fait elle l'a transformé en monstre. Circé avoue ses crimes à son père, ce dernier convoque un conseil des dieux. Aetes le frère de Circé, revient de son royaume et avoue à Circé qu'il manipule aussi la pharmaka. C'est un sorcier et il annonce à sa sœur qu'elle en est une. Circé est bannie, condamnée à vivre sur une île déserte alors que son frère lui n’est pas punit. Quelle injustice pour Circé !

Et pourtant cet exil en punition se révèlera au bout du compte le seul moyen pour Circé de s’accomplir et de se former à la magie, la pharmaka, de vivre libre, heureuse et loin du courroux et de l’autorité de son père.
Mon moment préféré reste quand Circé arrive sur son île. C’est une grande découverte avec des phases d’apprentissage, de solitude et de rencontres.
Elle va explorer son ile, parcourir chaque sentier, gouter et tester chaque plante. Avec le temps et un travail régulier elle arrivera à fabriquer des remèdes et deviendra une vraie maitresse des potions. Elle va aussi nouer des liens avec les animaux de l’île ce qui la rend d’autant plus passionnante.
La majeure partie du roman se passe sur l'île de Circé. 

Le lyrisme de la plume est pour moi un gros point fort, on a envie de le lire à voix haute. L'audiobook doit être divin. C’est un livre magnifique à lire mais qui doit aussi l’être à écouter.
Le style de Madeline Miller est fouillé, d’une richesse inouïe. On en prend plein les yeux et les sens. Les tableaux qu’elle nous donne à voir sont colorées, variés et nous imprègne les sens du soleil méditerranéen et des parfums.

Le temps ne passe pas de la même façon chez les dieux et chez les humains. Chez les dieux un jour est une seconde. L'auteure avec sa narration réussit à recréer cette impression du temps qui passe à une vitesse folle. La vie de Circé est un enchaînement de faits, sa vie va à mille à l'heure en tout cas c'est l'impression qu'on a en tant que lecteur. On ne s'ennuie pas, on est toujours en mouvement.

Et en même temps l'auteure illumine Circé de cette aura divine, pleine de langueur, de grâce.
Madeline Miller en fait une héroïne humaine qu'on aime avec ses failles. Circé est sensible et complexe. Elle ne comprend pas les dieux ni bien des choses mais elle veut vivre selon ses propres valeurs. Et sur son île, en exil, on assiste à des monologues intérieurs, c’est une femme en introspection.
Elle cherche à tâtons, des remèdes, elle crée des potions, si ça ne marche pas elle recommence inlassablement, elle a sa vie d'immortelle pour tout recommencer. 

La vie de Circé est faite de rencontres marquantes. Tout au long du livre, une multitude de personnage se succède sur son île. C'est l'occasion pour le lecteur de découvrir le talent de l'auteur pour créer des scènettes. Sa relation avec Dédale est touchante, sa rencontre avec Ulysse est intéressante, même si ce n'est pas mon personnage préféré.
L'immortelle vie de Circé est ponctuée de souffrances, d'amour, de choix, et toujours on vibre avec elle.

 Tout part d'une histoire d'amour et de vengeance. Il faut rappeler que Circé a transformé Scylla en monstre par jalousie. Mais peu à peu se dessine une forme d'entraide féminine. Une solidarité, fine mais présente quand même.
On s'en rend compte quand Circé devient mère surtout. 
De Circé je ne me souvenais que c’était une sorcière sur une ile qui transformait des marins en cochons. Et lorsque l’on assiste à cette fameuse scène, on comprend pourquoi elle a transformé ces hommes en cochons ! Cette scène est tellement éclairante.
C’est une femme qui a fait de mauvaises choses mais qui en subit aussi, elle est imparfaite. Je trouve ça génial de lui avoir consacrer un livre, l’auteure réussit son pari et invente la légende de Circé. Une femme différente, forte de ses convictions, une maitresse des potions, une sorcière, peu importe comment on la décrit, j’ai trouvé que c’était une femme sensible et touchante, imparfaite, qu’on prend plaisir à découvrir tout au long de sa vie.
C’est un roman rempli d’amour, de cruauté, de solitude.

Ce que j’ai le plus aimé :
► la plume splendide de l’auteure
► le portrait complexe et subtil de Circé
► le rythme effréné

Ce que j’ai moins aimé :
► le manque de lien entre les scènes
► un texte parfois dense, il faut rester concentré pour ne pas se sentir perdus

Est-ce que je vous le conseille ?
Je le conseille chaleureusement aux amateurs de mythologie, que vous ayez des connaissances approfondies ou non. C’est un portrait de femme attachante au destin palpitant.

Citations :
" Laissez-moi vous expliquer ce que la sorcellerie n'est pas : ce n'est pas un pouvoir divin, qui vient en un clin d'œil, d'une simple pensée. Elle nécessite d'agir, de manipuler, de planifier, rechercher, fouiller, sécher, couper et moudre, bouillir, parler et chanter. Et même après toutes ces étapes elle peut échouer, ce qui n'arrive pas aux dieux. Si mes herbes ne sont pas suffisamment fraîches, si mon attention diminue, si ma volonté est faible, les drogues deviennent vertes et rances entre mes mains." P.98

" La sorcellerie n'est rien d'autre que des corvées de ce genre. Chaque herbe doit être prélevée dans son habitat, récoltée à temps, déterrée, sélectionnée, essayée, lavée et préparée. Elle doit être manipulée dans tous les sens, pour déterminer où réside ses pouvoirs. Jour après jour, patiemment, on doit jeter les essais ratés et recommencer. "

"On peut apprendre à une vipère à vous manger dans la main sans pour autant lui enlever le goût de mordre." P.112

" Dans une existence solitaire, il existe des moments rares où une autre âme plonge tout près de la vôtre, comme les étoiles qui s'approchent de la terre une fois par an. Pour moi, il avait été ce genre de constellation là." P.171
Circé à propos de Dédale.


En quelques mots :
Une excellente lecture que je recommande chaleureusement. Merci à l’auteure d’avoir mis en avant Circé, elle nous livre un récit passionnant qui va à mille à l’heure. Circé se dévoile au fil des pages, une déesse imparfaite, puissante, libre et courageuse. Elle n’est pas que la sorcière qui transforme les marins en cochons et qui prépare ses potions sur son ile. Lisez-le pour découvrir sa légende selon Madeline Miller !


Ma note pour ce livre :
4,75/5






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