Titre
du livre : Passé imparfait
Auteur : Julian
Fellowes
Editions : 10-18
Genre : roman historique
Date
de sortie : juin 2015
Pages : 646
Thèmes : haute
société britannique, aristocratie, souvenirs, passé, nostalgie, jeunesse dorée,
sixties
Résumé
éditeur : Une
invitation de Damian Baxter ? Voilà qui est inattendu ! Cela fait près de
quarante qu’ils sont fâchés ! Inséparables durant leurs études à Cambridge,
leur indéfectible amitié s’est muée en une haine féroce, suite à de mystérieux
événements survenus lors de vacances au Portugal en 1970. Après de
déconcertantes retrouvailles, la révélation tombe : riche, à l’article de la
mort, Damian charge le narrateur, sur la foi d’une lettre anonyme, de retrouver
parmi ses ex-conquêtes – six jeunes filles huppées qu’ils fréquentaient alors –
la mère de son enfant. Un voyage vers le passé plein de fantômes et de
stupéfiantes révélations… Avec une verve élégante, le créateur de la série Downton Abbey signe
un portrait au vitriol de l’aristocratie anglaise bousculée par les sixties.
« La vraie affaire de Fellowes, c’est le milieu qui l’a vu naître : l’aristocratie anglaise. (…) Un régal aux senteurs surannées, comme les Anglais en ont le secret. » Les Inrockuptibles
« La vraie affaire de Fellowes, c’est le milieu qui l’a vu naître : l’aristocratie anglaise. (…) Un régal aux senteurs surannées, comme les Anglais en ont le secret. » Les Inrockuptibles
Mon
avis :
Je
vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai énormément aimé. L’auteur Julian
Fellowes est le créateur de la série télé Downtown
Abbey qui est une série que j’aime à la folie et qui fait partie de mon top
5 de mes séries préférées.
Le
titre Passé imparfait porte très bien son nom puisqu’il évoque
exactement ce dont va parler le livre. L’auteur nous propose un véritable voyage
dans le passé. Nous sommes en Angleterre dans la haute société britannique entre
le présent des années 2000 et le passé des années 60-70. A cette époque les
grandes familles aristocrates sont confrontées aux limites de leurs mode de vie, du fait des bouleversements de la
société avec le libéralisme et les sixties.
J’ai
adoré ce livre mais je préfère vous prévenir ; l’histoire de l’Angleterre
et l’aristocratie britannique sont des thèmes qui m’intéressent énormément
à la base. Si vous n’avez pas d’intérêt pour ces thèmes vous risquez de trouver
le livre long, il n’y a pas beaucoup d’actions mais personnellement le rythme m’a
convenu. Il est certes lent mais convient bien à l’introspection que fait le narrateur sur son propre passé et à
la narration
des souvenirs.
Les personnages
principaux sont des hommes et des femmes qui avaient la vingtaine dans les
années 70 et on les retrouve donc maintenant dans le moment présent, ils ont
tous la cinquantaine. Finalement le récit est centré autour d’un petit groupe
de jeunes gens de la haute société qui se sont fréquentés lors de la Saison (période
durant laquelle les jeunes gens privilégiés sont introduits dans la bonne
société et où ils doivent se placer souvent sous la pression des parents, pour
assurer leurs avenirs. Période rythmée par les bals, et les soirées mondaines).
Parmi ce petit groupe représentatif de la jeunesse dorée londonienne de l’époque, nous rencontrons la princesse du
petit royaume de Moravie, des riches héritières, filles et fils de bonne
famille, et puis nous avons nos deux personnages principaux : le narrateur et Damian Baxter.
On ne connaît pas grand-chose du narrateur, on ne
connaît pas son nom, on sait juste qu’il fait partie de la haute société et qu’il
est écrivain. On sait aussi que c’est lui a introduit le fameux Damian Baxter
dans leur groupe d’élite sociale. Damian Baxter quant à lui ne fait pas partie
de leur monde mais réussit à s’y faire inviter notamment grâce à son pouvoir de
séduction qu’il exerce sur ses jeunes femmes aristocrates. Il est séduisant,
intelligent, un peu manipulateur, et considéré comme un arriviste dans ce
milieu fermé. Ces deux hommes sont amis dans les sixties mais on apprend dès le début que leur amitié a été brisé
lors d’un voyage du groupe au Portugal en 1970. Malgré plusieurs références à cet
événement mystérieux tout au long du
roman, il ne sera révélé qu’à la toute fin de l’histoire, ce qui attise la curiosité du lecteur.
Nous
sommes dans le présent dans les années 2000, Damian Baxter qui est devenu
richissime car il a réussi dans les affaires, est atteint d’un cancer, il lui
reste 3 mois à vivre. A l’article de la mort, il veut finalement donner suite à
une lettre anonyme qu’il a reçu 20 ans plus tôt l’informant qu’il avait eu un
enfant avec une de ses aventures d’un soir avec une de nos nobles dames. Il
souhaite retrouver son enfant inconnu afin de le coucher sur son testament. Il
établit une liste de 6 femmes avec qui il a couché à la même période et qui
pourrait correspondre. Il reprend contact avec le narrateur et le charge de mener à bien cette mission pour lui.
C’est
sur cette intrigue que débute vraiment l’histoire. Le voyage commence pour le
narrateur, un voyage à la fois physique à travers l’Angleterre et même à Los
Angeles et c’est aussi et surtout un voyage dans les souvenirs de sa jeunesse
passée, ainsi que celle de Damian. Il doit retrouver la femme qui a eu un
enfant illégitime avec Damian, sa quête va donc l’entrainer en plein dans des secrets de
famille.
Le récit est construit d’allers-retours entre présent (années
2000) et passé (1960-1970). Le narrateur replonge donc dans son
passé et revient sur sa jeunesse au sein de la haute société londonienne et
nous apporte son regard d’adulte sur les mœurs et les règles de vie de cette
classe sociale élitiste.
C’est ce point de vue sur l’aristocratie qui est intéressant
et passionnant, pleins de remarques piquantes et de réflexions sur
ces gens jalonnent le roman. C’est un regard acide sur le mode de vie des
aristos et leurs habitudes que nous propose l’auteur. Par exemple le code
vestimentaire et le fait de devoir se changer plusieurs fois par jour, il
dénonce l’hypocrisie des relations, les mères coureuses de bon parti pour leurs
filles… Il reprend tout ce qui compose l’étiquette et les « bonnes »
manières et les tournent en dérision.
Ce qui est original
et que j’ai aimé, c’est que c’est un point de vue interne d’un
homme qui fait partie du milieu et qui avec le temps a pris le recul nécessaire
pour voir ce qui n’allait pas dans ce milieu. Il se permet de se moquer et il met
le doigt sur le côté ridicule du mode de vie des aristos et il met en avant le
gros décalage entre ce mode de vie là et la modernité. La société évolue tandis
qu’eux ont du mal à s’adapter, ils sont parfois tellement à part qu’ils ne se
rendent pas compte que leur façon de vivre réglée par l’étiquette est dépassée. C’est avec la voie d’élément
perturbateur tel que le personnage de Damian Baxter que l’on va avoir des
confrontations, et des séquences drôles.
Un des
thèmes importants du récit est le changement. Effectivement c’est avec
le recul des années que le narrateur va pouvoir faire son introspection. Il va se
rendre compte lors de ses rencontres avec les personnes de la haute qu’il a
connu des années auparavant que le temps a eu beaucoup d’effets. Des grandes
familles riches qui étaient plus ou moins au top dans les sixties, certaines ont tout perdu et se retrouvent bien malgré
elles contraintes à vivre de façon bien différente.
Au niveau
des émotions il y a beaucoup à dire. Grace à la mission dont il est
investi le narrateur va se rendre compte qu’il a été émotionnellement passif
toute sa vie. Il a laissé passer son grand amour. Ce n’est qu’à l’âge de 50 ans
qu’il va enfin connaître un moment d’amour et de bonheur intense ! Car oui
dans ce roman il est aussi question d’amour et de regrets. C’est pour
vous dire à quel point à cette époque la haute société est régie par le code
ultime : le
contrôle des émotions. Il est très mal vu dans cette société d’exprimer
en public ses émotions. On est toujours dans la retenue, et encore une fois
lorsque l’on a des éléments perturbateurs qui font des « scandales »
lors de réceptions, on a droit à quelques situations comiques. Les femmes
ne choisissent pas leurs maris, ce sont bien souvent des mariages de raison
organisés par la famille où l’enjeu est forcément économique. Ainsi femmes
comme hommes passent souvent à côté de l’amour et deviennent aigris avec le temps des regrets. C’est ce qu’on ressent à
travers certains personnages de cette histoire.
Ce qui
m’a beaucoup plu dans ce livre hormis les thèmes, c’est que l’auteur donne à
voir cette haute société aristocrate avec un autre regard. J’ai trouvé une
certaine complicité entre le lecteur et l’auteur.
Le style corrosif m’a plu. Les descriptions sont bien fournies, on visualise les
belles demeures, les grandes pièces et les magnifiques domaines. L’intrigue en
soi n’est pas très originale mais j’ai quand même énormément aimé ma lecture
car le contenu est très dense et intéressant.
On sent que l’auteur est très documenté sur le sujet car le livre est très
riche en informations.
L’auteur
nous propose un véritable retour dans les souvenirs d’une jeunesse passée au
sein de l’aristocratie à une période délicate pour leur « survie ».
Julian Fellowes propose une vision sombre
et désenchantée de l’aristocratie britannique, mais on sent malgré tout de la
nostalgie.
J’ai
adoré ce livre pour son aspect historique d’un point de vue évolutif, c’est-à-dire
qu’on suit l’évolution des personnages à travers les sixties jusqu’à nos jours. C’est un roman qui parle du passé et de
ses effets sur chacun de nous. Comme je
l’ai dit, l’action n’est pas omniprésente, ne vous attendez pas à des
révélations et des rebondissements en folies. Il faut juste se laisser
doucement porter de souvenir en souvenir.
Pour conclure :
Enfin un
roman comme je les aime, avec du contenu, qui m’a fait passer un très bon
moment. J’ai adoré être plongé dans ce monde de richesse et d’étiquette. L’auteur,
en toute honnêteté mais avec une certaine nostalgie, égratigne l’image de l’aristocratie,
monde impitoyable fait d’hypocrisie et de fausseté, de mensonges, et où tout
est question d’apparences. Tout ça pour faire honneur à un nom ou à un titre et
pour briller quoi qu’il arrive, prêts à tout pour assurer leur rang et rester
au sommet en évitant à tout prix la honte et le scandale.
Passé imparfait est un roman savoureux où le monde très
snob de l’aristocratie se confronte au sixties,
synonyme de révolution intellectuelle, amour libre, drogues.
Citations
/ extraits :
« Ces gens qui veulent tout contrôler ont un effet
paralysant autour d’eux, ils étouffent tout le monde, […]. Quand ils sont
invités, ils sont incapables de se décontracter en public. Cela voudrait dire
qu’ils éprouvent de la gratitude, et pour eux la gratitude est un signe de
faiblesse. Ils sont également insupportables en tant qu’hôtes, notamment dans
les restaurants où ils sont imbuvables envers les serveurs et les convives, et
empoisonnent l’ambiance. Ils sont incapables d’admirer quelqu’un qui a mieux
réussi qu’eux. Ils ne supportent pas les amis de leurs conjoints car ces gens
extérieurs ne sont pas forcément enclins à reconnaître leur supériorité. Mais
comme ils n’ont pas non plus d’amis personnels, ils finissent par considérer
toute assemblée avec méfiance. Ils ne peuvent dire du bien de qui que ce soit
puisque cela impliquerait de reconnaître de la valeur à cette personne et que
ces censeurs fonctionnent en retirant à tous ceux qui les entourent la moindre
valeur. Ils ne peuvent rien apprendre puisque cela demanderait de reconnaître
que leur professeur en sait plus qu’eux et cela leur est impossible quel que
soit le sujet. Et puis surtout ils sont barbants. Barbants à un point … »
p.271
« Je m’étais vraiment demandé ce que j’allais voir du monde
moderne en acceptant les quelques deniers de Damian. C’était peut-être un choc
de découvrir qu’un certain mode de vie dont on n’avait cessé de nous dire dans
les années 1960 qu’il était en train de mourir, était en fait tout à fait
vivant et peut-être même plus courant qu’à l’époque. Je me considère comme
ayant une certaine aisance et j’ai passé pas mal de temps dans des demeures qu’on
peut estimer enviables, mais je commençais à comprendre qu’il ne s’agissait
pas, comme avant, de quelque rare millionnaire vivant comme à l’époque
edwardienne […]. Non, aujourd’hui il existe toute une classe de gens très
riches aussi nombreux qu’à l’époque géorgienne et dont le mode de vie est
toujours luxueux. La seule différence, c’est qu’à l’heure actuelle tout se
passe derrière des portes opaques qui facilitent la représentation erronée qu’en
font les médias. Le résultat c’est que […] cette nouvelle espèce ne ressent pas
le besoin de diriger les masses publiquement, mais seulement dans l’ombre du
trône. » p.389 et 390
« Je ressens une profonde nostalgie pour l’Angleterre de ma
jeunesse et je trouve que nous avons beaucoup perdu, mais il faut aussi savoir
reconnaître ce qui n’allait pas et pourquoi certains changements devaient
absolument avoir lieu. » p.543
En
quelques mots :
Une excellente lecture d’une grande richesse. Une histoire
fascinante « so british » faites de Lords et de Ladies aux destins
imparfaits. L’auteur m’a bluffé par son style, son humour, et sa fin
surprenante.
Ma
note pour ce livre :
5/5
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